La S-Cam va révolutionner
notre vision de l'Univers

article de Laurent Laveder
24 JANVIER 2002

Dix années d\'efforts de l\'ESA couronnées de succès : la S-Cam, caméra numérique utilisant un capteur supraconducteur, est vouée à un brillant avenir.
Dix années d'efforts de l'ESA couronnées de succès : la S-Cam, caméra numérique utilisant un capteur supraconducteur, est vouée à un brillant avenir.

ESA.

10 années de recherche viennent d'aboutir : la S-Cam, un nouveau capteur photosensible, vient d'être mis au point par l'ESA. Sa surface réceptrice est constituée d'un matériau aux propriétés très particulières, appelé supraconducteur. Conséquence, le capteur détecte non seulement tous les photons (du visible à l'infrarouge) qui pleuvent sur lui, mais en plus, il est capable de mesurer son énergie ainsi que le moment précis où il interagit avec le supraconducteur. Une véritable révolution !

Dans les années 80, l'arrivée des dispositifs à transfert de charge, plus connus sous leur acronyme anglais de CCD, évince progressivement pellicules et autres plaques photographiques des observatoires. En toute logique, car les caméras CCD présentent deux gros avantages : linéarité et sensibilité.
De plus, elles facilitent grandement le traitement informatique, car les images sont déjà numériques et n'ont pas à souffrir des numérisations nécessaires aux photos sur support chimique.

Fin 80, l'explosion des supraconducteurs

Dans la seconde moitié des années 80, la communauté scientifique est en émoi : les matériaux supraconducteurs, un temps délaissés devant leur difficulté de mise en oeuvre, reviennent au premier plan.
À l'origine de cette seconde vie, de nouveaux alliages qui, en quelques mois, permettent de jouir des propriétés supraconductrices à des températures accessibles (environ -100° C tout de même). Il faut dire qu'avant cela, les supraconducteurs nécessitaient des froids extrêmes de –260, voire -270° C (à peine quelques degrés au-dessus du zéro absolu) !
Mais quelles sont ces mirifiques propriétés ?

D'exceptionnelles propriétés

Un matériau supraconducteur nécessite généralement des températures extrêmement basses. Le plomb, mauvais conducteur électrique à température ambiante, est supraconducteur à quelques degrés au-dessus du zéro absolu (-273,15° C). Il se met alors à conduire le courant électrique sans aucune résistance ! Faites circuler de l'électricité dans un anneau supraconducteur, elle y circulera à jamais.

Par ailleurs, un supraconducteur ne se laisse pas traverser par les lignes de champ magnétique. De ce fait, un tel matériau flotte en lévitation dans un champ magnétique, "soutenu" par les lignes de champ qui le contournent sans pouvoir le transpercer. Cette caractéristique intéresse fortement les industriels qui cherchent depuis des décennies à mettre au point un train à sustentation magnétique.

10 années de recherche pour accoucher de la S-Cam

Dès 1992, deux scientifiques, Tone Peacock et son collègue astronome Michael Perryman, comprennent le bénéfice qu'il y a à tirer des exceptionnelles propriétés de ces matériaux.
Au sein de l'ESA (l'Agence Spatiale Européenne), ils commencent des recherches qui aboutiront dix ans plus tard. Début janvier 2002, l'équipe annonce fièrement la naissance de la S-Cam, une caméra numérique dotée d'un capteur supraconducteur capable de quatre prouesses : voir tous les photons tombant sur le capteur, connaître le moment précis où ils interagissent, mesurer leur énergie (c'est-à-dire leur couleur) et connaître leur position exacte.
Cerise sur le gâteau, la S-Cam est sensible à la lumière visible et au proche infrarouge, et est très rapide (les mesures peuvent se succéder en quelques millisecondes).

Pour le moment, ce capteur est composé d'à peine 36 pixels. C'est une surface ridicule comparée aux millions de pixels qui constituent aujourd'hui nombre de capteurs CCD. Mais, la S-Cam n'a pas à rougir. A peine née, elle dispose déjà d'atouts que n'auront jamais les CCD.

Et pour quels résultats ?

Les scientifiques se sont empressés de l'installer au foyer du télescope William Herschel situé à La Palma, dans les îles Canaries. Ils ont observé le système double UZ For dans lequel une naine blanche est occultée par l'étoile rouge autour de laquelle elle tourne.
La rapidité de la S-Cam et les données qu'elle fournit sur l'énergie de la lumière reçue ont permit d'apprécier parfaitement le changement de couleur lors de la disparition de la naine blanche. Puis, se tournant vers dix lointains objets appelés quasars, elle en a rapidement déterminé la distance.

Parmi les cibles privilégiées de la S-Cam et de ses futures descendantes, nous comptons les étoiles de type variable cataclysmique dont l'éclat et la couleur varient en très peu de temps, les pulsars qui clignotent parfois plusieurs centaines de fois par seconde, ainsi que les fugitifs sursauts gamma.

Mais le champ d'application de ces capteurs supraconducteurs ne se limitera pas à la seule astronomie. Ils intéresseront certainement l'industrie, notamment pour le contrôle qualité du silicium constituant les puces électroniques. Souhaitons longue vie à la S-Cam !

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