article de Laurent Laveder
25 JANVIER 2002
Dans la nuit du 19 au 20 décembre 2001, Titan, la plus grosse lune de Saturne (5150 km de diamètre), a occulté une étoile double. Comble de chance, les deux composantes stellaires étaient alignées de telle sorte que le lointain satellite a occulté consécutivement les deux étoiles. Des astronomes ont eu la chance d'observer le phénomène depuis le célèbre télescope de 5 m de diamètre du Mont Palomar. L'atmosphère qui entoure Titan a produit un spectacle très étonnant...
L'occultation de l'étoile NV0435215+200905 est prévue depuis suffisamment longtemps pour permettre d'organiser la collaboration entre 7 observatoires qui braqueront simultanément leurs instruments sur le phénomène. Du fait des différentes positions géographiques des télescopes, l'étoile coupera le disque de Titan à différentes latitudes. C'est l'espoir de pouvoir étudier en détail l'atmosphère de cette lune.
Arrive la nuit tant attendue par de nombreux astronomes. Première surprise, en pointant les instruments vers l'étoile, ils s'aperçoivent qu'elle est en fait un système constitué de deux étoiles séparées d'environ 1,5 seconde d'arc. Vu à travers le télescope géant du Mont Palomar, elles vont disparaître derrière le disque de Titan à des latitudes sensiblement proches. Une aubaine ! Les astronomes ont à leur disposition un dispositif d'optique adaptative suivi d'un filtre (laissant passer la lumière entre 1,95 et 2,3 µm de longueur d'onde), puis d'une caméra infrarouge. Les astronomes sont prêts.
La présence de deux étoiles est une configuration idéale pour la technique d'optique adaptative. En effet, une des étoiles va servir de référence pour mesurer la turbulence atmosphérique, ce qui va permettre de compenser ses effets par déformation du miroir en temps réel. Ainsi, lorsqu'une des étoiles aura disparu derrière le disque de la lune, l'autre étoile, encore visible, servira de référence et vice versa.
Le résultat est tout à fait étonnant. Les étoiles occultées semblent faire le tour de Titan. Cela est dû à l'atmosphère de la lune de Saturne qui, tel un prisme, courbe la lumière de l'étoile de telle sorte qu'elle reste en partie visible. Ce phénomène est bien connu et porte le nom de réfraction atmosphérique. Pour preuve, il arrive qu'il soit possible de voir la Corse depuis le sud de la France, bien que ses plus hautes montagnes soient situées sous l'horizon.
Au-delà de l'originalité de ces images, ces travaux sont avant tout un moyen de sonder à distance l'atmosphère de Titan. Les données en provenance des différents observatoires collaborant ensemble sont en cours de dépouillement. Nous vous tiendrons au courant de ses conclusions.
Vous trouverez de nombreuses animations spectaculaires tirées de cette observation à l'adresse suivante:
http://www.gps.caltech.edu/~antonin/titan.html
Les occultations d'étoiles par les corps du système solaire représentent un moyen étonnament précis de mesure de leur atmosphère. On obtient même d'excellents résultats avec des instruments de grande diffusion tels que les télescopes de 200 mm de diamètre. De nombreux amateurs contribuent donc à ces recherches, main dans la main avec les professionnels.
Cette méthode a également permis la découverte des anneaux d'Uranus et de Neptune, parfaitement invisibles en observation directe, mais qui occultaient suffisamment l'étoile d'arrière plan pour qu'on puisse en déduire les caractéristiques.
Une équipe Française, emmenée par André Brahic et Bruno Sicardy, a joué un role essentiel dans la découverte des anneaux de Neptune dans les années 80. Ces anneaux sont en fait des arcs car ils sont incomplets. Ils sont au nombre de 4 et, confirmés visuellement grâce au passage à proximité de la sonde Voyager en 1989, ils reçurent les noms, évocateurs en cette année de bicentenaire, de Liberté, Egalité, Fraternité, et Courage. Ce fut aussi une manière de saluer le rôle déterminant joué par les Français dans cette découverte.
