La mère des tempêtes magnétiques est-elle à venir ?

article original publié par Science @ Nasa
auteur : Docteur Tony Phillips
traduction de Didier Jamet
24 OCTOBRE 2003

Cette aurore boréale est apparue au-dessus du Wisconsin le 22 octobre 2003. En 1859, on put en apercevoir de similaires à Rome, Cuba ou Hawaii
Cette aurore boréale est apparue au-dessus du Wisconsin le 22 octobre 2003. En 1859, on put en apercevoir de similaires à Rome, Cuba ou Hawaii

Chris VenHaus

Grâce à d’anciennes données retrouvées à l’observatoire de Colaba en Inde, une équipe de chercheurs a pu préciser le scénario d’un gigantesque orage magnétique qui frappa la Terre en 1859. Et selon eux, un tel événement pourrait bien se reproduire.

Pour les cercles scientifiques où sont abordées les questions touchant aux éruptions solaires, les événements des 1er et 2 septembre 1859 constituent la mère des tempêtes magnétiques. Même à l’époque, il y a 144 ans de cela, beaucoup de gens comprirent que quelque chose d’exceptionnel venait de se produire. En quelques heures, les câbles télégraphiques qui parcouraient l’Europe et les Etats-Unis furent mis hors service, provoquant de nombreux départs de feux, tandis que l’on put observer des aurores qui n’avaient plus grand chose de boréal, puisqu’elles étaient visibles depuis Rome, la Havane ou Hawaii.

Ce qui s’est produit en 1859 était la combinaison de plusieurs évènements qui se déroulèrent à peu près simultanément à la surface du Soleil. S’ils s’étaient produits de façon isolée, ils ne seraient de toute façon pas passés inaperçus. Mais concentrés sur une même période, ils ont déclenché la plus violente perturbation qu’ait jamais connue l’ionosphère terrestre. " Ils ont déclenché l’archétype de l’orage magnétique" confirme Bruce Tsurutano, physicien des plasmas du JPL.

Pour commencer à comprendre ce que cet orage magnétique avait d’exceptionnel, il faut d’abord se familiariser avec les chiffres vertigineux que manipulent quotidiennement les physiciens des plasmas. D’un diamètre supérieur à 1 400 000 kilomètres, le Soleil concentre 99,86% de la masse totale du Système Solaire. Son volume pourrait abriter un million de planètes semblables à la Terre. A chaque seconde, l’énergie qu’il rayonne équivaut à celle dégagée par l’explosion simultanée de 100 milliards de tonnes de TNT.

Mais ce flux d’énergie n’est pas constant. Une inspection minutieuse de la surface solaire révèle un enchevêtrement turbulent de lignes de champs magnétiques et d’arches de plasma, le tout parsemé de taches sombres et mouvantes.

Parfois, un événement survient à la surface du Soleil qui libère une énorme quantité d’énergie sous la forme d’une éruption solaire, encore appelée éjection de matière coronale, une bouffée explosive de gaz très chauds et électriquement chargés dont la masse totale peut dépasser celle du mont Everest.

On peut retracer aujourd’hui le scénario de ce qui s’est passé pendant la canicule de l’été 1859 : le 28 août, on a remarqué la formation de nombreuses taches à la surface du Soleil. Les taches solaires sont des régions où règnent localement des champs magnétiques particulièrement intenses. Ces champs magnétiques s’entrelacent, et l’énergie magnétique résultante peut générer une soudaine et violente libération d’énergie appelée éruption solaire. Entre le 28 août et le 2 septembre 1859, plusieurs éruptions furent observées. Mais le 1er septembre, c’est une gigantesque éruption qui se produisit. Pendant près d’une minute, la quantité d’énergie rayonnée par le Soleil dans la région de l’éruption fut le double de la normale.

" Cette éruption s’accompagna de la libération explosive d’un énorme nuage de plasma, une éjection de matière coronale " poursuit Tsurutani. " Ces éjections ne se dirigent pas toutes vers la Terre. Celles qui le font mettent en général entre trois et quatre jours pour atteindre notre planète. Celle de 1859 fut sur nous en 17 heures et 40 minutes.

Cette éjection de matière coronale était non seulement très rapide, mais les champs magnétiques qu’elle contenait étaient très puissants et en opposition directe avec le champ magnétique local de notre planète. Cela signifie que l’éjection de matière coronale du 1er septembre 1859 a complètement submergé le champ magnétique terrestre, permettant aux particules chargées de pénétrer dans la haute atmosphère terrestre. Le résultat d’un tel évènement fut une féerie lumineuse, et de façon moins sympathique la mise hors circuit des réseaux électriques et des systèmes de communication.

En 1859, le télégraphe fêtait à peine ses 15 ans et le réseau électrique mondial était encore au berceau. En 1994, un orage magnétique endommagea sérieusement deux satellites de télécommunications, provoquant des interruptions dans les programmes des radios et télévisions canadiennes. D’autres ont affecté quantité d’installations, depuis les téléphones cellulaires jusqu’aux réseaux d’approvisionnement en électricité, en passant par le GPS. En mars 1989, un orage magnétique bien moins intense que celui de 1859 mit au tapis pendant 9 heures le réseau électrique d’Hydro Québec, au Canada. Les pertes provoquées par cet événement furent estimées à plusieurs centaines de millions d’euros.

" La question qui m’est souvent posée est de savoir si une pareille tempête magnétique est susceptible de se reproduire un jour, et quand " poursuit Tsurutani. " Je réponds alors que c’est fort possible, et qu’elle pourrait même être encore plus violente que celle de 1859. Mais pour ce qui est de la date à laquelle elle se produira, nous n’en savons tout simplement rien ! "

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