article original publié par Science @ Nasa
auteur : Docteur Tony Phillips
traduction de Didier Jamet
10 JANVIER 2004
Lorsque deux galaxies entrent en collision, ce pourraient bien être les planètes qui trinquent… à leur naissance !
Chandra, le télescope spatial de la NASA sensible aux rayons X, vient de révéler l’existence de nuages de matière interstellaire lourdement chargés en néon, magnésium et silicium. Ils se trouvent dans un ensemble de deux galaxies actuellement en collision, les célèbres galaxies des Antennes. Quand les nuages refroidiront, il est probable qu’un grand nombre d’étoiles se formeront, accompagnées de cortèges planétaires. Les chercheurs pensent que le même phénomène pourrait bien se reproduire dans notre propre galaxie, la Voie Lactée, dans trois ou quatre milliards d’années, lorsque nous entrerons en collision avec la grande galaxie d’Andromède, M31.
" L’enrichissement en éléments lourds des nuages des galaxies des Antennes est proprement phénoménal " confirme Giuseppina Fabbiano du département Astrophysique du Centre Harvard-Smithsonian de Cambridge, Massachusetts. Elle est l’auteur principal de l’équipe qui a mené ces recherches. " Cela doit être dû à un taux très élevé de d’explosions de supernovae dans ces galaxies en collision. "
Quand deux galaxies entrent en collision, la probabilité d’un choc direct entre deux étoiles est extrêmement faible, mais en revanche les collisions directes entre les immenses nuages de gaz interstellaire sont nombreuses, et déclenchent un véritable " baby boom " d’étoiles. Parmi les jeunes étoiles ainsi formée, les plus massives évoluent très rapidement, et explosent en supernovae au bout de quelques millions d’années seulement. Les éléments lourds formés dans ces étoiles massives sont alors dispersés par l’explosion et viennent enrichir le gaz du milieu interstellaire environnant sur des milliers d’années-lumière à la ronde.
Le taux de supernova dans les Antennes est à peu près 30 fois supérieur à celui à celui de notre galaxie, la voie lactée. Les explosions de supernovae portent le gaz interstellaire de ces galaxies à des températures de millions de degrés, ce qui lui fait émettre des rayons X. Ces nuages, indétectables par les télescopes opérant dans le visible, sont des cibles faciles pour les télescopes sensibles au rayonnement X, tel Chandra. Ses données révèlent des régions d’enrichissement varié et élevé. Un des nuages présente par exemple des taux de magnésium de de silicium entre 16 et 24 fois plus élevés que dans le Soleil.
" Il s’agit typiquement du genre d’éléments qui constituent les briques fondamentales des planètes rocheuses habitables " renchérit Andrew King de l’Université de Leicester, en Angleterre, et coauteur de l’étude. " Ce processus se répète dans toutes les galaxies, mais il est grandement amélioré par les collisions. "
Lorsque le gaz enrichi refroidit, une nouvelle génération d’étoiles se forme, et avec elle de nouvelles planètes. Un grand nombre d’études soulignent que les nuages enrichis en éléments lourds sont plus susceptibles de donner naissance à des étoiles accompagnées de cortèges planétaires, aussi dans le futur les galaxies des Antennes donneront-elles probablement naissance à un nombre anormalement élevé de planètes.
" Si la vie se développe sur une portion significative de ces nouvelles planètes, alors on peut s’attendre à ce que les Antennes soient dans le futur une zone très peuplée " spécule François Schweizer, autre coauteur de l’Observatoire Carnegie de Pasadena, Californie. " Un grand nombre d’étoiles semblables au Soleil et de systèmes planétaires vivront à l’unisson pendant des milliards d’années. "
Situé à une soixantaine de millions d’années-lumière, le groupe des Antennes est l'exemple le plus proche d’une collision entre deux grandes galaxies. La collision, qui a débuté il y a quelques centaines de millions d’années, a été si violente que le gaz et les étoiles des deux galaxies ont été projetés en deux immenses arches qui donnent leur nom aux Antennes.
Les images de Chandra montrent de spectaculaires boucles gazeuses portées à 3 millions de degrés s’échappant du sud des Antennes. " Ces boucles transportent peut-être dans l’espace intergalactique certains des éléments dispersés par les supernovae. " ajoute Trevor Ponman de l’Université de Birmingham, en Angleterre.
Les Antennes nous fournissent une image privilégiée des types de collisions qui devaient de produire en abondance lorsque le jeune Univers était beaucoup plus restreint qu’aujourd’hui. Ces collisions ont très probablement mené à la formation d’un grand nombre des étoiles qui peuplent aujourd’hui notre Univers. Elle peuvent aussi être un aperçu de ce qui se produira dans la Voie Lactée, laquelle est en trajectoire de collision avec la grande galaxie d’Andromède.
Si l’actuelle vitesse de rapprochement se maintient, une collision semblable à celle que subissent les Antennes devrait se produire d’ici 3 milliards d’années entre la grande galaxie d'Andromède et notre Voie Lactée. De gigantesques forces de marée gravitationnelle bouleverseront et recomposeront les deux galaxies, probablement sous la forme d’une galaxie elliptique géante constellée de centaines de millions de jeunes étoiles semblables au Soleil.
Et peut-être aussi de centaines de millions de planètes habitables. Bien loin de constituer une fin tragique, ces violents accidents galactiques sont l'occasion d'un nouveau départ.
Quelques liens pour aller plus loin
Le communiqué de presse complet, avec images et animations
