article original publié par Science @ Nasa
auteur : Docteur Tony Phillips
traduction de Laurent Laveder
11 DECEMBRE 2004
Préparez du chocolat chaud, multipliez les couches de vêtements et prévenez les amis : la meilleure pluie d’étoiles filantes de l’année 2004 aura lieu pendant la longue et froide nuit du 13 au 14 décembre.
On les appelle les Géminides. En Europe, le meilleur moment pour les observer se situera entre 21 h et minuit le soir du 13 décembre 2004. Si vous avez le courage de rester dehors quelques heures, il n’est pas exclu que vous puissiez observer au total plusieurs centaines de ces " étoiles filantes ".
C’est l’astéroïde 3200 Phaeton qui est la source des Géminides. On trouve en effet dans son sillage un nuage de poussières que la Terre traverse chaque année vers la mi-décembre. Ces poussières rentrent alors en collision avec notre atmosphère à une vitesse dépassant les 130 000 km/h, se consumant en de brillants météores.
Dans quelle direction regarder ? Celle qui vous plaira, pourvu qu’elle vous donne accès à un bout de ciel. Les Géminides peuvent apparaître n’importe où. Quand vous en aurez vu quelques-unes, retracez mentalement leur course dans le ciel. En prolongeant ces lignes imaginaires, vous parviendrez à un point où elles se croisent : c’est le radiant, le point d’où les étoiles filantes semblent provenir. Le radiant de cette pluie d’étoiles filantes de la mi-décembre se trouvant dans les Gémeaux, on appelle ces météores des Géminides.
Cette Année, la planète Saturne se trouvera tout près du radiant, une belle coïncidence dont il ne faudra pas manquer de tirer profit si vous disposez d’un petit télescope. Même une lunette de 60 mm de diamètre vous révèlera l’ovale des anneaux de Saturne. Il vous sera peut-être même possible d’apercevoir un minuscule point de lumière tout près de Saturne. Il s’agit de Titan, son plus gros satellite.
Titan est un monde extrêmement mystérieux. Il est recouvert d’une épaisse atmosphère orange, et la sonde Cassini-Huygens vient d’y révéler la présence d’un continent glacé grand comme l’Australie. On s’interroge encore sur la possible présence d’océans constitués d’un liquide pour le moins inattendu : un hydrocarbure assez proche de l’essence que l’on met dans les voitures ! La sonde de l’agence spatiale européenne Huygens, pour l’instant encore accrochée à Cassini, devrait s’en détacher le 25 décembre et tenter de se poser sur Titan le 14 janvier 2005.
L’éclairage public n’est pas l’ami du curieux du ciel désireux d’y observer des étoiles filantes. Le halo de lumière qu’il génère au-dessus des agglomérations peut diviser par 10 le nombre d’étoiles filantes visibles. Alors si vous le pouvez, n’hésitez pas à vous rendre à la campagne, où en montagne. La Lune venant juste de passer par sa phase invisible, son éclat ne viendra pas perturber vos observations.
Pour finir, une anecdote intrigante au sujet du géniteur des Géminides. Nous avons vu qu’il s’agissait de l’astéroïde 3200 Phaeton. Or les pluies d’étoiles filantes sont généralement produites par des comètes, leurs chevelures étant en fait de la poussière et de la glace se disséminant dans leur sillage sous l’effet de la chaleur du Soleil. Pourtant 3200 Phaeton n’arbore jamais aucune chevelure lorsqu’il s’approche du Soleil, et présente toutes les caractéristiques d’un banal astéroïde. Cela a intrigué les astronomes pendant des années, car les astéroïdes sont généralement des cailloux relativement denses, et qui n’émettent quasiment aucune poussière. Et sans poussière, pas d’étoile filante.
La solution pourrait être la suivante : les astronomes ont envisagé l’hypothèse selon laquelle 3200 Phaeton aurait jadis subi un choc avec un autre astéroïde. Après tout, 3200 Phaeton passe le plus clair de son temps dans la ceinture d’astéroïdes, où il croise beaucoup de ses semblables. Il n’est donc pas exclu qu’il ait pu rentrer en collision avec l’un d’eux, ce qui aurait engendré le nuage de poussières auquel nous devons depuis les Géminides.
Mais il y a encore une autre hypothèse. 3200 Phaeton pourrait également être une " comète morte ", tout ce qui resterait d’une comète jadis brillante, mais rendue exsangue de poussières par ses passages répétés auprès du Soleil. 3200 Phaeton plonge en effet vers le Soleil tous les 18 mois, passant plus près de l’astre du jour que ne s’en trouve la planète Mercure. Des bains de Soleil intenses et répétés qui l’auraient fait vieillir prématurément (c’est d’ailleurs la même chose pour les humains !), ne lui laissant pour tout souvenir de sa belle jeunesse qu’un sombre cortège de poussières dont nous recueillerons les larmes ce lundi 13 décembre 2004 au soir.
Alors, comète déchue ou astéroïde cabossé ? Personne ne le sait vraiment. C’est un mystère sur lequel vous pourrez longuement réfléchir ce lundi soir, avec un bon chocolat chaud, et des étoiles filantes…
Passerelles pour aller plus loin
Les Géminides, une exception à la règle