Soleil : un minimum qui a tout d’un maximum.

article original publié par Science @ Nasa
auteur : Docteur Tony Phillips
traduction de Didier Jamet
18 SEPTEMBRE 2005

Aurore polaire d’un beau rouge rubis observée le 11 septembre 2005 au-dessus de l’Arizona
Aurore polaire d’un beau rouge rubis observée le 11 septembre 2005 au-dessus de l’Arizona

Chris Schur

En théorie, 2005 aurait du être une année particulièrement calme pour le Soleil. Bizarrement, il n’en a rien été. Pourquoi ? Les scientifiques sont naturellement les premiers à se poser la question.

Le 7 septembre 2005, une énorme tache solaire fut responsable d’une colossale éruption solaire, une des plus puissantes jamais enregistrées. Dans les jours qui suivirent, elle connut 8 autres épisodes éruptifs. Chacune de ces éruptions de " classe X " provoqua sur Terre une interruption des communications radio sur ondes courtes et alimenta en énergie un orage magnétique qui balaya toute la planète. Ces éruptions précipitèrent dans l’espace des nuages de particules ionisées qui, lorsqu’ils rentrèrent en collision avec notre planète, y déclenchèrent des aurores polaires couleur rubis jusqu’à des latitudes très éloignées des pôles.

Alors c’est ça un minimum solaire ?

En fait, le minimum solaire, défini comme le point de plus basse activité du cycle solaire de 11 ans, n’est attendu que pour 2006. Cependant les prévisionnistes s’attendaient en toute logique à ce que l’année précédant ce minimum soit plutôt calme.

La vérité est qu’elle n’a pas été calme du tout. Le Soleil a débuté 2005 en fanfare avec une éruption de classe X dès le 1er janvier. Au 15 septembre 2005, nous avons déjà subi 4 orages magnétiques sévères et un total de 14 éruptions de classe X.

" Cela correspond a une activité solaire très soutenue " confirme le physicien spécialiste du Soleil David Hathaway, du centre national de science et de technologie spatiale de Huntsville, dans l’Alabama. Pour s’en convaincre, il suffit de comparer 2005 à l’année du précédent maximum solaire, 2000. " Sur toute l’année 2000, nous avons eu droit à 3 orages magnétiques sévères et 17 éruptions de classe X ". À la mi-septembre 2005, nous comptons donc déjà un orage magnétique de plus, et le retard en éruptions de classe X pourrait être comblé dès la fin du mois. Ce minimum solaire ressemble à s’y méprendre à un maximum.

Les scientifiques comme David Hathaway suivent à la trace le cycle de 11 ans du Soleil en comptant le nombre de taches qui apparaissent à sa surface. Quand le nombre de taches culmine, on est au maximum. Et quand ce nombre est au plus bas, on est au minimum. L’idée derrière cette méthode de suivi de l’activité solaire est que les taches solaires sont les principales responsables des éruptions. Les champs magnétiques qui les traversent sont instables et finissent par se rompre. Cette rupture provoque la libération de radiations électromagnétiques, ce que l’on appelle une éruption solaire.

Mais elle peut aussi projeter dans l’espace un nuage d’un milliard de tonnes de particules ionisées, que l’on appelle alors éjection de matière coronale. Quand cette matière coronale atteint la Terre, elle y déclenche un orage géomagnétique et on peut observer de spectaculaires aurores boréales. À l’occasion de ces éjections de matière coronale, des protons solaires peuvent également être envoyés vers la terre, où ils sont dangereux pour les satellites et les astronautes en orbite. Les taches solaires sont donc à la source de tous ces phénomènes.

Il se trouve que le nombre de taches solaires a bien décliné comme prévu depuis l’an 2000. Pourtant, l’activité solaire reste à un niveau élevé. Comment est-ce possible ?

Hathaway a une réponse : " les taches de 2005, bien que moins nombreuses, se sont révélées beaucoup plus instable et explosives ". Intéressons nous par exemple à la tache 798, à l’origine de la super éruption du 7 septembre 2005, et des 8 classe X consécutives : à elle toute seule, elle a suffi à faire de septembre 2005 le mois de plus grande activité solaire depuis mars 1991.

Bizarre ? En fait, Hathaway fait remarquer qu’une grande partie des mécanismes à l’origine du cycle solaire de 11 ans nous reste parfaitement inconnue. " Nous ne sommes en mesure d’observer l’activité solaire en X par satellite que depuis le milieu des années 70. Et les premières éjections de matière coronale n’ont été découvertes que quelques années plus tard, par le septième satellite dédié à ces études "

Cela revient à dire que nous ne savons pas vraiment à quoi ressemble un cycle solaire typique. Les scientifiques n’ont pu suivre avec les satellites que trois cycles depuis 1975, dont deux seulement au complet. " Pas de quoi tirer des conclusions définitives avec si peu de données " confirme-t-il.

Voici d’ailleurs une anecdote qui illustre parfaitement le propos d’Hathaway : avant 2005, le dernier minimum solaire était attendu en 1996. Le soleil, à cette époque, s’est comporté de façon exactement conforme aux prévisions : de la fin 1992 jusqu’en 1995, les taches se sont peu à peu raréfiées au point de disparaître presque complètement, et il n’y eut tout simplement aucune éruption de classe X durant toutes ces années. Ce fut une période de calme plat. C’est alors qu’en 1996, tandis que le nombre de taches atteignait son plus bas niveau –Boum ! – une éruption de classe X se produisit à la surface d’un soleil serein, et théoriquement en plein minimum.

" Le soleil peut s’avérer très imprévisible " confirme Hathaway. C’est une particularité que les planificateurs de la Nasa doivent prendre en compte dans la perspective d’envoyer des hommes sur la Lune ou sur Mars.

Mais revenons à 2005. Cette année est-elle une aberration, ou bien un sursaut d’activité normal à l’approche du minimum ? " Il nous faut observer encore plusieurs cycles solaires pour espérer répondre à cette question un jour. Et comme chaque cycle dure 11 ans, la réponse n’est pas pour demain " conclut-il.

En attendant, Hathaway attend avec impatience 2006, année à laquelle le minimum doit être atteint. Comment se comportera alors le Soleil ? Personne ne peut le dire…

Dans notre dictionnaire de l'astronomie...

Une aurore boréale composée de lumière rouge et verte, observée au-dessus de la silhouette de sapins. Le phénomène, qui parait tout proche, se produit en fait à une altitude d'une centaine de kilomètres
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