Deux maximums pour le prix d’un !

article de Didier Jamet
19 JANVIER 2002

Graphique donnant l’évolution du nombre de taches solaires en fonction de la date.
Graphique donnant l’évolution du nombre de taches solaires en fonction de la date.

Hathaway - NASA - MSFC

Le moteur solaire aurait-il des ratés ? Protubérances, éjections de matière coronale en séries, alors que le cycle de notre étoile dure généralement 11 ans, celui qui a culminé au milieu de l’année 2000 semble vouloir jouer les prolongations. Quelle peut bien être la cause d’une telle agitation ? Les soldes ? Sans doute pas…

Il existe un moyen simple de déterminer l’activité du Soleil : compter les taches qui parsèment sa surface, et observer les éruptions qu’elles produisent. Les taches solaires sont des zones sombres à la surface du Soleil. Elles correspondent à l’extrémité d’une boucle du champ magnétique solaire, formant une hernie à la surface. C’est pourquoi elles vont toujours par deux, chacune correspondant à un brin de la boucle. Durant l’été 2000, on a enregistré ce qu’on pensait être le maximum du cycle, avec beaucoup de taches. Après quoi leur nombre a progressivement décru, et le Soleil retrouvé une relative sérénité. Le maximum solaire se tassait.

Résurrection

Mais voilà qu’il ressuscite ! Depuis fin 2001, les taches refleurissent à la surface du Soleil, et les éruptions deviennent fréquentes. Le présent cycle solaire est un vrai chameau : il a deux bosses !

Les physiciens solaires, qui suivent l’évolution quotidienne de notre étoile, avaient été intrigués par le maximum de 2000, car il était intervenu un peu plus tôt que prévu. La baisse qui a suivi leur a donc semblé prématurée. Et le fait est qu’elle l’était, puisque finalement le nombre de taches est reparti à la hausse, jusqu’à atteindre aujourd’hui un niveau à peine inférieur à ce qu’il était il y a dix-huit mois.

Le précédent maximum solaire, il y a onze ans, avait suivi le même scénario : un premier pic, mi 89, suivi d’un second maximum début 91. Idem pour celui de 78. C’est donc la troisième fois consécutive que le Soleil présente un pic à double détente.

Courts-circuits géants

Durant ces périodes troublées de maximum solaire, les lignes de champ magnétique s’entrecroisent. Entortillées, étirées comme des élastiques prêts à se rompre, elles finissent par « claquer » et libèrent des milliards de tonnes de gaz magnétisé qui viennent parfois frapper la haute atmosphère terrestre 48 heures plus tard, déclenchant des aurores polaires. Le phénomène consécutif à ce « claquement » (en fait une reconnexion magnétique pour être rigoureux, une sorte de court-circuit géant) est ce qu’on appelle une éjection de matière coronale.

Radio Soleil plein tube

Si les taches sont le signe le plus évident de l’activité solaire, ce n’est pas le seul. Les émissions radio en provenance du soleil, engendrées par les masses de gaz très chaud emprisonnées par les lignes de champ magnétique, sont également un indice précieux. Et là encore, tout indique que nous vivons un deuxième pic d’activité : en radio, le pic de 2002 est même plus brillant que celui de 2000.

En fait, ce cycle de onze ans couvre lui-même plein de mini-cycles qui influent directement sur notre perception de l’activité solaire. Par exemple, les éjections de matière coronale dirigées vers la terre, celles qui produisent les aurores, tendent à se répéter tous les 27 jours, le temps d’une rotation du Soleil sur lui-même. Il y a également un cycle plutôt irrégulier d’environ 155 jours, auquel semblent se plier les éruptions de moindre intensité, mais les causes de ce dernier cycle restent parfaitement inconnues.

Cœur d’artichaud et pelures d’oignon

Ce dont on est évidemment certain, c’est que toutes ces variations sont liées au fonctionnement intime du Soleil lui-même. Le premier tiers du Soleil, en partant de la surface, est ce qu’on appelle la zone convective. En fait, c’est un bouillonnement incessant de gaz brûlants, provenant d’une zone située 200 000 kilomètres en dessous, selon un mécanisme très semblable aux fameux « gros bouillons » qui apparaissent dans une casserole d’eau sur le feu. Cette zone convective transporte vers la surface la chaleur générée par la couche immédiatement située en dessous (le « fond » de la casserole solaire…), et qui se nomme la zone radiative. En fait, le champ magnétique solaire est vraisemblablement produit à la frontière entre ces deux zones, où circulent d’intenses courants électriques.

Les courants électriques ne sont rien d’autres que des particules électriquement chargées mises en mouvement. Le Soleil, du fait de son extraordinaire chaleur, est presque exclusivement composé de particules électriquement chargées, sous une forme qu’on appelle un plasma : le noyau des atomes est séparé des électrons qui habituellement gravitent autour de lui, et l’ensemble est dit ionisé : les atomes ont acquis une charge électrique, et sont donc devenus des ions, au contraire de la matière qui nous entoure sur Terre et qui est généralement neutre.

Le Soleil est parcouru d’intenses courants électriques qui s’étagent en couches successives, à la façon de pelures d’oignons. À la limite entre la zone radiative et la zone convective, la différence de vitesse entre les couches de plasma est telle qu’elle produit un véritable effet dynamo, où les spécialistes pensent que le champ magnétique solaire prend sa source.

Tremblements d’étoile

L’année dernière, des spécialistes de l’héliosismologie, une discipline qui permet de sonder les entrailles du Soleil grâce aux ondes sismiques qui s’y propagent, ont repéré que les courants de gaz à la base de la zone convective semblaient accélérer et ralentir selon un cycle de 16 mois. Or cette période de 16 mois est étonnamment proche des 18 mois qui séparent les deux pics d’activité aujourd’hui constatés. Les deux phénomènes sont-ils liés ?

Difficile à dire, car en réalité on connaît encore bien mal le détail des interactions entre la surface du soleil et ses couches plus profondes. En tous les cas, aujourd’hui on ne sait pas les expliquer. C’est peut-être une simple coïncidence. L’héliosismologie est une science relativement jeune, et les observations sur lesquelles elle s’appuie restent délicates à interpréter.

Quelle qu’en soit la cause, ce « rappel » de l’artiste Soleil est une véritable aubaine pour les observateurs réguliers du ciel : il leur offre l’opportunité de voir encore de nombreuses aurores polaires dans les mois à venir, un des plus beaux spectacles que puisse nous offrir la nature.

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