article original publié par Science @ Nasa
auteur : Docteur Tony Phillips
traduction de Didier Jamet
22 SEPTEMBRE 2005
Avant la fin de la prochaine décennie, cinquante ans après Neil Armstrong et Buzz Aldrin, des astronautes de la Nasa fouleront à nouveau le sol lunaire. Mais cette fois, il ne s'agira pas d'un simple aller-retour. Ils y poseront la première pierre d'une base lunaire permanente, et ouvriront la voie en direction des prochaines destinations : Mars, et au-delà.
Lundi 19 septembre 2005, l'administrateur de la Nasa, Michael Griffin, a rendu public les résultats d'une nouvelle " étude sur l'architecture de l'exploration ", laquelle détaille les moyens qui seront mis en oeuvre pour concrétiser la nouvelle " Vision pour l'Exploration Spatiale " de l'agence spatiale américaine.
Ce fantastique voyage commence dès aujourd'hui avec le développement d'un nouveau vaisseau spatial, le véhicule d'exploration avec équipage, reprenant dans ses grandes lignes le concept des capsules du programme Apollo, mais trois fois plus volumineux. Il sera tout à la fois en mesure d'emporter et de ramener à bon port quatre astronautes vers la Lune, de transporter jusqu'à 6 astronautes vers Mars, et d'assurer le ravitaillement et la relève des équipages de la Station Spatiale Internationale (ISS).
Ce vaisseau tirera son énergie électrique de panneaux solaires, et la capsule habitée tout comme l'atterrisseur lunaire verront leurs moteurs alimentés par du méthane liquide. Pourquoi du méthane liquide ? La Nasa voit simplement loin, et se prépare pour le jour où les astronautes pourront transformer les composants de l'atmosphère martienne en carburant pour leurs fusées.
Ce vaisseau sera également réutilisable. Conçu pour se poser en parachute sur la terre ferme (il pourra aussi se poser sur l'eau le cas échéant), il sera facilement reconditionné pour sa prochaine mission moyennant le remplacement de son bouclier thermique. Les ingénieurs de la Nasa estiment qu'un tel appareil pourra largement endurer 10 cycles complets de décollage-atterrissage.
En comparaison avec les capsules Apollo, ce nouveau vaisseau enverra deux fois plus d'astronautes vers la Lune en une seule mission, et leur permettra également d'y rester plus longtemps, avec de premières missions prévues pour durer de quatre à sept jours sur place. Autre différence de taille, alors que les missions Apollo ne pouvaient se poser que dans une étroite bande parallèle à l 'équateur lunaire, l'architecture du nouveau vaisseau lui permettra d'emporter suffisamment de carburant pour se poser n'importe où sur la Lune. Enfin, ce vaisseau du 21eme siècle pourra également se maintenir tout seul en orbite lunaire sans personne à bord, ce qui rendra tous les astronautes disponibles pour l'exploration de la surface lunaire.
Des technologies éprouvées
" Ce vaisseau et les différents systèmes qui en dépendront s'appuieront sur des fondations solides, fruits de solutions techniques qui ont fait leur preuves aussi bien durant le programme Apollo que sur les navettes spatiales, tout en ayant des capacités largement supérieures " a indiqué Michael Griffin.
Les astronautes décolleront juchés au sommet d'une fusée initialement animée par un propulseur à carburant solide du même type que ceux utilisés actuellement par la navette spatiale. Puis le deuxième étage de la fusée, équipé d'un moteur principal également issu de la navette spatiale, prendra le relais. Cette combinaison permettra de placer 25 tonnes en orbite.
Pour les missions nécessitant des charges utiles plus importantes, la Nasa développera une fusée flanquée de deux propulseurs à carburant solide et 5 moteurs principaux de navette spatiale. Ce seront alors 125 tonnes qui pourront être mises en orbite, environ une fois et demie la masse d'une navette spatiale. Ce système polyvalent pourra à la fois être utilisé pour transporter du ravitaillement, mais aussi des pièces complètes du jeu de construction géant qu'il faudra assembler en orbite pour se rendre sur la Lune ou Mars. Le lanceur lourd pourra également être adapté au transport des astronautes.
Si la Nasa a choisi d'utiliser des moteurs du type de ceux qui équipent la navette spatiale plutôt que d'en développer de nouveaux, c'est à la fois pour des raisons de sécurité, de coût et de disponibilité. Plus explicitement, les moteurs principaux et les propulseurs à carburant solide de la navette spatiale ont fait la preuve de leur fiabilité et sont déjà qualifiés pour le vol habité. Et la plupart des infrastructures industrielles nécessaires à l'accomplissement de ce programme sont déjà en place, ce qui réduira considérablement les coûts de développement.
Mais surtout, ces lanceurs auront un avantage décisif sur la navette spatiale : ils seront équipés à leur sommet d'une fusée de secours qui permettra d'arracher la capsule abritant l'équipage et de la mettre à l'écart du danger en cas de problème majeur durant la phase critique du lancement. Enfin, la question des débris venant fragiliser le vaisseau lors du décollage sera définitivement réglée, la capsule se trouvant au sommet de l'attelage spatial.
Ces plans offrent à la Nasa une longueur d'avance dans la perspective de rallier un jour Mars, destination qui requerra à la fois un lanceur lourd, un vaisseau habitable polyvalent et un système de propulsion capable de fonctionner avec les ressources disponibles sur Mars.
Retourner sur la Lune fournira aux astronautes une opportunité d'apprendre à " vivre sur le terrain " en ne comptant pour une bonne part que sur les ressources qu'ils trouveront sur ce monde extraterrestre, une expérience indispensable avant de tenter le grand bond en avant vers Mars. Ces séjours lunaires seront aussi l'occasion de recherches scientifiques fondamentales concernant l'astronomie, la physique, la géologie lunaire, mais également l'origine de la vie.