Astéroïde tueur : quand l'impact est surtout médiatique.

article original publié par Science @ Nasa
auteur : Docteur Tony Phillips
traduction de Didier Jamet
26 JUILLET 2002

Cette illustration représentant un astéroïde de 500 kilomètres de diamètre heurtant la surface terrestre a beaucoup servi cette semaine pour illustrer les conséquences catastrophiques d\'une éventuelle collision avec 2002 NT7. Très efficace.
Cette illustration représentant un astéroïde de 500 kilomètres de diamètre heurtant la surface terrestre a beaucoup servi cette semaine pour illustrer les conséquences catastrophiques d'une éventuelle collision avec 2002 NT7. Très efficace.

NASA

L’astéroïde 2002 NT7 a fait les gros titres cette semaine car les astronomes ne peuvent complètement écarter un risque de collision entre lui et la Terre en 2019. Mais courrons-nous vraiment un quelconque danger ?

L'autre jour, en échange de la monnaie que je fis glisser sur le comptoir, le caissier me tendit un billet de loterie. Au dos étaient imprimées mes chances de gagner : une sur 250 000. Une probabilité très faible, mais on ne sait jamais.

Sortant du bureau de loterie, mon ticket à la main, je jetai un coup d’œil à la première page des journaux : « Tony Phillips a gagné le gros lot ! » affirmaient les gros titres. Mince, pensai-je, ça semble quand même un peu prématuré (et bien étrange en tous les cas).

Bien sûr ce qui précède est une histoire fantaisiste. Personne n’aurait écrit un tel article (si rapidement en plus) sur la base de si faibles probabilités.

C’est pourtant ce qui est réellement arrivé cette semaine – à un astéroïde.

Le 9 juillet, les astronomes du MIT ont découvert 2002 NT7, un caillou de deux kilomètres de long placé sur une curieuse orbite. Contrairement à la plupart des astéroïdes, qui tournent autour du Soleil dans le même plan que les planètes, 2002 NT7 suit une trajectoire inclinée de 42 degrés par rapport à ce plan. Il passe donc l’essentiel de son temps très au-dessus ou très en dessous du reste du système Solaire.

Tous les 2 ans et 105 jours cependant, l’astéroïde plonge au travers de la partie interne du Système Solaire, non loin de l’orbite de la Terre.

Ce simple fait le rend digne d’intérêt et de surveillance. Après une semaine d’observations complémentaires, les chercheurs se livrèrent à certains calculs : ils conclurent qu’il y avait une chance sur 250 000 pour que 2002 NT7 risque de frapper notre planète le 1er février 2019.

« Un astéroïde se dirige droit sur nous » titra quelques jours après un journal. Authentique.

« En fait » explique Don Yeomans, directeur du programme d’étude des objets géocroiseurs au JPL de la NASA, « la menace est très faible. » Un sur 250 000 est un tout petit nombre.

« Nous ne suivons 2002 NT7 que depuis peu de temps » ajoute-t-il. Au 25 juillet, l’ensemble des données ne couvrait qu’une période de 17 jours, alors qu’une orbite complète de l’astéroïde autour du Soleil prend 2 ans et 105 jours. Les prédictions fondées sur une si petite portion de trajectoire sont naturellement imprécises.

Le scénario commence à devenir familier: les astronomes découvrent un astéroïde géocroiseur. Ils ne peuvent d’emblée écarter l’hypothèse d’un impact avec la Terre dans un lointain futur. Les gros titres des journaux claironnent le danger. Et puis à la fin, les craintes s’évanouissent lorsque les données s’accumulent et permettent de préciser l’orbite – qui dément toute possibilité d’impact.

« En ce qui concerne le public, » affirme Jon Giorgini du Groupe d’Etude de la Dynamique du Système Solaire au JPL, « ce n’est vraiment pas la peine de se mettre dans tous ses états pour un objet au sujet duquel deux semaines de collecte de données montrent qu’une collision avec la Terre est possible dans de nombreuses années. Des données supplémentaires réduiront considérablement l’intervalle de confiance, et la Terre se révèlera (presque à coup sûr ) hors de danger. »

C’est déjà ce qui est en train de se produire pour 2002 NT7. les probabilités d’impact déclinent au fur et à mesure que les astronomes collectent de nouvelles données chaque jour. « Exactement comme on s’y attendait » confirme Giorgini.

« Je pressens que ça ne prendra pas plus de quelques semaines supplémentaires (quelques mois tout au plus) pour que nous puissions complètement écarter l’éventualité d’un impact en 2019. » acquiesce Yeomans.



Suite de cet article : Cuisine probabiliste et dépendance médiatique
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